Le Café Papon
Le Café Papon a été recréé à son emplacement actuel en 1983. Il occupe depuis lors une situation privilégiée, ouvert sur la promenade de la Treille, au rez de chaussée de l’Hôtel de Ville, monument classé depuis 1921(Ms-2). Son espace, particulier, est en fait composé de parties distinctes qui résultent de constructions et de modifications remontant à des époques différentes et liées à des fonctions diverses. Il est intéressant de les identifier, et d’ainsi mieux comprendre certains vestiges encore visibles dans ses salles. Nous n’évoquerons pas, cependant, les découvertes archéologiques effectuées en dessous du niveau actuel du sol.
Les éléments les plus anciens, encore visibles actuellement, sont les vestiges de la porte de ville appelée Baudet que l’on peut reconnaître en entrant dans le restaurant depuis la rue Henry-Fazy, sur la droite. L’arc en plein centre, partiellement reconstitué en béton mais formé à l’origine de blocs de molasse sur soubassement de calcaire, matérialise cet accès créé dans les années 1420 et qui perdura jusqu’en 1557. A cette date, cette porte fut obturée et l’entrée de ville déplacée de 7 mètres plus à l’ouest. La nouvelle porte subsista jusqu’en 1783-1788, période à laquelle elle fut démolie et remplacée par le portique à l’antique qui s’ouvre toujours sur la descente de la treille. Visible également depuis l’entrée du restaurant, l’ancienne façade qui surmontait un passage couvert voûté, avec sur la gauche en haut, une fenêtre à meneaux du XVème siècle.
Comme la porte de 1420 voisine, la salle du fond du restaurant, dite de la Grande Grotte, qui occupe le rez de chaussée de la tour Baudet, remonte également au XVème siècle. La tour a été édifiée par la Commune de Genève entre 1455 et 1456 comme un élément de la ceinture fortifiée et le siège de son administration. La pièce, voûtée d’ogives ponctuées d’une clef aux armes de la ville et éclairée par des meurtrières, abritait une chambre d’artillerie et les archives de la Commune. Elle a conservé sa porte, blindée de feuilles de tôles. Les deux rangs de tiges de fer terminées par des boucles qui sont encore visibles doivent avoir supporté des traverses de bois sur lesquelles était posé un faux-plafond de planches, peut-être destiné à l’entreposage ou à améliorer les conditions thermiques. Les archives d’Etat n’ont quitté les lieux qu’en 1972.
L’actuel espace principal du restaurant, la salle voûtée avec son pilier central, résulte d’aménagements réalisés graduellement entre les XVème et XVIIème siècle. Elle servait de bûcher vraisemblablement nécessité par la présence d’une grande cuisine occupant la même surface à l’étage supérieur depuis 1706. A la fin du XVIIIème siécle, au moment de la suppression de cette cuisine, les deux pièces reçurent leurs plafonds à voûtes de plâtre. c’est dans celle du rez-de-chaussée que s’installa vers 1808 le café de la Treille, tenu par le limonadier Antoine Papon (1754-1846), originaire de Bourgoin en Isère (France) et son épouse genevoise Pernette, née Achard. L’établissement n’eut pas une très longue durée d’existence car il disparut déjà en 1882, lorsque les locaux furent repris par l’administration pour y réinstaller un dépôt d’archives. On ne connaît rien de son aspect intérieur, hormis les fragments de l’enduit peint à décor de faux marbre, découvert lors des travaux de 1978-1981, qui ornait sans doute les parois du café. Il semble avoir déjà bénéficié d’une terrasse bien exposée qui est désormais à nouveau, durant les beaux jours, l’un des atouts majeurs du Café Papon.
Isabelle Brunier Historienne
Office du patrimoine et des sites DCTI